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voit qu’en tout cas Nietzsche, en Russie, change absolument de caractère et contracte avec le christianisme une alliance qui, certes, n’était pas dans ses goûts.

C’est ainsi que Mérejkowsky entend le symbolisme, mot dont l’étymologie indique une idée d’union. Ce symboliste russe tient à cette épithète. Laissons-la lui. Ne l’analysons pas lui-même. Respectons, comme une belle œuvre d’art, l’union dans son propre esprit des plus violents contrastes : le jugement le plus fin, le plus délicat, le plus éclairé sur les hommes et les choses et la faculté de faire de ces hommes et de ces choses une sorte de nébuleuse où l’on voit poindre les germes d’un monde naissant, — une ironie quelquefois légère, quelquefois sanglante et un enthousiasme allant jusqu’à l’exaltation religieuse, — une humilité et un orgueil extrêmes quand il se présente en enfant de son pays et de sa race, — un amour passionné pour la civilisation gréco-romaine et pour ses dérivés, et une passion non moins grande pour tout ce qui est exclusivement et authentiquement russe.

Ces contrastes eux-mêmes, ces pôles opposés, établissent dans l’âme de Mérejkowsky un courant de vie intense et continu. Aussi n’est-il pas désaltéré par la pensée pure, ni par la spéculation, ni par la critique, ni même par la création artistique. Il lui faut plus que cela. Il lui faut, pour apaiser sa