Page:Merezhkovsky - Tolstoï et Dostoïevski, la personne et l’œuvre.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Dans la Résurrection des Dieux, on voit Léonard de Vinci s’agenouiller devant une statue d’Aphrodite qui vient d’être exhumée, non pour l’adorer, mais pour mesurer les dimensions de son corps. Ainsi procède l’artiste vrai, qui, devant la beauté, se sent pris, avant tout, du désir de connaître le secret de ce qui la rend belle et puissante et, s’il y réussit, arrive à connaître du coup le secret de l’Univers. Ainsi a résolu de procéder Mérejkowsky lui-même. L’étude pour ainsi dire anatomique des deux « grands écrivains de la terre russe », comme Tourguénieff mourant appelait Léon Tolstoï, lui sert de point de départ pour arriver au secret de leur puissance, dont il compte faire, en le divulguant, un levier qui portera son pays au rang des sauveurs de l’humanité. Car Mérejkowsky a toute l’audace de l’esprit russe, qui ne s’arrête pas en chemin et va volontiers jusqu’au messianisme. Mais le Messie qu’entrevoit Mérejkowsky est un Messie d’espèce nouvelle. Pour mot d’ordre, le poète-critique prend les paroles que Dostoïewsky expirant écrivit sur son carnet de notes : « Il y eut choc entre deux idées, les plus opposées qui soient au monde : le Dieu-Homme rencontra l’Homme-Dieu, Apollon rencontra le Christ. » Du choc, Mérejkowsky voudrait faire une fusion. On l’a appelé nietzschéen et j’ai moi-même intitulé Nietzsche en Russie une courte étude que je lui ai consacrée dans le Mercure de France. On