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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

dangereux de l’exposer à nouveau. Ne l’avait-on pas entendue tousser ? Si, la bonne dame l’avait entendue mais, en ce qui la concernait, force lui était de partir : comment rester plus longtemps quand elle laissait un petit malade au lit ?

— Voyons, madame, allez-vous la traîner dehors avec une toux pareille ?

— Songez à mon enfant, répliqua l’Anglaise, et Clotilde convint qu’elles avaient décidé de descendre ce jour-là, et que la place de son amie était près de son enfant.

— Impossible ! gronda Alvan ; l’enfant est en pleine convalescence et c’est vous qui courez au-devant du danger. Il discutait avec l’absurde femme et opposait des arguments de raison à l’instinct maternel. Naturellement, il fut battu, et dut s’incliner en rongeant son frein. Son impatience fit à Clotilde l’effet d’un cri étranglé dans la gorge.

— Mères et enfants sont trop forts pour moi, fit-il, un peu honteux de cette excessive insistance. Puis, aidant Clotilde à s’envelopper chaudement, il lui fit des recommandations sur la façon de respirer l’air cru de la montagne.

— Je vous admire de savoir céder, fit-elle.

Il eut un froncement de sourcil, puis sourit :

— Vous savez bien ce que je voudrais implorer.

Elle le supplia d’avoir confiance en elle, sans pourtant arrêter le torrent d’imprécations passionnées qui partit à l’adresse de la pauvre Anglaise, selon un rite dont sont presque partout victimes ses compatriotes, dès qu’au sortir de leur île ils s’écartent des voies où les saluent hôteliers et valetaille. Mais Clotilde fit observer que son amie ne