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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

lants, pouvait, au contraire, lui attirer les sympathies d’un savant honoré. L’éloquence au service d’une juste cause a bien des chances d’échauffer les esprits les plus graves, et la cause pouvait, à juste titre, paraître excellente au professeur : un homme qui promettait d’être le génie politique de son temps, mais qui ne s’était pas, jusqu’alors, montré modèle de vertu, n’eut pas de peine à lui persuader que son mariage avec cette jeune fille serait son havre de salut.

Quant au second pas, c’est Clotilde qui en fut l’involontaire instigatrice.

Elle se trouvait, au bras du professeur, à l’un des grands bals d’hiver donné par un de ses confrères, lorsqu’il lui dit :

— Alvan est ici.

Elle répondit :

— Non ; il n’est pas encore arrivé.

Comment pouvait-elle deviner qu’il ne se trouvait pas parmi la foule ?

— Et maintenant, est-il arrivé ? demanda bientôt le professeur.

— Non.

On ne voyait pas Alvan, en effet.

— Et maintenant ?

— Pas encore.

Le professeur regardait autour de lui ; Clotilde attendait, et soudain :

Maintenant, il est arrivé ; maintenant, il est dans la pièce, fit-elle.

Et l’autre aperçut Alvan : sa tête dominait une cohue d’admirateurs qui se pressaient autour de lui pour le féliciter d’un article récent.

Clotilde avait beau jeu à invoquer le prétendu