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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

V

À des confessions comme celles de Clotilde, il faudrait ajouter une brève préface où seraient fustigés son sexe et le nôtre, pour empêcher le mépris d’étouffer, chez le lecteur, tout intérêt pour l’écrivain. Son histoire, Clotilde l’a livrée au public, mais elle n’a pas eu l’art de présenter cette apologie.

Au lendemain de sa rencontre avec son aigle, elle vit le prince Marko. Elle se fit douce pour lui, en prévision de son chagrin, et n’eût guère, au surplus, pu se montrer différente envers un esclave si beau et si soumis. Quand la caresse de ses yeux et de sa voix eurent amené Marko à un état de sensibilité aiguë, elle lui asséna le coup, loyalement.

— Marko, mon ami, vous savez que je ne puis mentir. Laissez-moi donc vous dire que j’ai hier rencontré l’homme à qui il suffirait d’un geste pour m’appeler à lui et m’entraîner au bout du monde.

Les yeux ardents que le Bacchus indien fixait sur elle se mouillèrent et lancèrent un éclair. Si le bonheur de Clotilde était en jeu, il s’inclinait : il connaissait Alvan.

Et voilà comment Clotilde s’acquitta de son devoir et engagea sa foi.