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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

— J’allais dire : je crois comprendre. Mais voilà que vous recommencez à m’emporter.

— Puisse cette impression ne jamais vous abandonner.

— Jamais !

— Quelle nuit ! Alvan leva les yeux. Nuit désignée pour notre rencontre et nos fiançailles. Nous approchons de votre logis, sans doute ?

— C’est la troisième maison, là, dans la clarté.

— La lune se fait plus blanche pour l’illuminer.

— Vous voyez ma fenêtre éclairée ?

— Par la lampe de la vestale. Faut-il l’éteindre ?

— Vous êtes trop loin. Et c’est une flamme céleste, monsieur.

— Céleste, en vérité. Ma promesse de ciel ! Le croissant de Diane planera toujours pour moi sur cette maison, Clotilde ! Que n’est-elle à des lieues, ou que la porte ne s’en ouvre-t-elle pour moi !

— Un bon chevalier trouverait en moi son humble servante.

Mû par une impulsion soudaine, Alvan se pencha vers elle :

— Quand vos parents arrivent-ils ?

— Demain.

Il lui prit la main :

— À demain alors ; pas de pire mal que les atermoiements.

Clotilde se sentit le souffle coupé. Parlait-il sérieusement, cet homme dont le seul nom faisait scandale dans sa famille et dans son monde ?

Son enjouement tomba, et c’en fut fini du plaisir qu’elle prenait aux échanges de courtoisies.

— Dites-moi l’heure la plus propice à cette entrevue ? insistait Alvan.