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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

Pourquoi faut-il, hélas ! que le gris des cheveux, si émouvant dans l’art, nous glace dans la réalité ?

La découverte d’une originale tout embaumée de printemps, plus tendre, plus chaleureuse que l’ancienne amie, couronnée d’or au lieu de neige, et tout aussi intrépide, tout aussi passionnée, fut pour Alvan une joie immense. Il l’accueillit sans étonnement, parce qu’il avait foi dans sa propre fortune, dans cette étoile, apanage commun des audacieux, qui lui amenait à point nommé d’heureuses choses, en récompense de ses énergiques efforts dans une direction supérieure et opposée à sa voie naturelle. Le destin l’avait fait attendre et son hiver s’était prolongé. Le souffle du jeune printemps n’en était que plus suave et parait Clotilde de tous les attributs de ses rêves. Il en concluait qu’elle les possédait et ne doutait plus de son aptitude à la conquérir. Les barrières sont faites pour ceux qui ne volent point. Les barrières, elles étaient faciles à prévoir autour d’une chrétienne de haute naissance, mais non moins certain était le courage qui lui donnerait des ailes. Alvan tirait cette conclusion de sa propre connaissance, autant que d’un premier regard jeté sur Clotilde. Elle était évidemment assez sensible aux impressions pour les rendre avec fidélité, et Alvan la gratifiait sans hésitation de son propre courage pour servir de base à son originalité tant vantée.

Des importuns venaient de temps en temps les interrompre, des fâcheux qui demandaient des conseils sur des sujets variés, sur la façon de conduire une affaire ou sur l’interprétation exacte d’un axiome de politique ou de littérature. Alvan répandait à chacun, puis congédiait les intrus en implo-