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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

dès qu’elle commençait à ressentir les choses, et non à se faire un jeu de ses sensations, sa tendre sagesse la bouleversait. Chose étrange : avec tant de dons précieux qui auraient dû lui rendre trois fois cher le don de la vie, il était intrépide. Elle devinait par intuition, bien plus que par ses dires, qu’il ignorait la crainte. Cette seule raison l’eût attachée à lui comme une ombre. Elle eût, du premier coup, percé à jour la bravache et traité de fat un médiocre qui eût, comme lui, fait valoir l’abondance de ses ressources. Son habitude du monde et sa pénétration naturelle la mettaient à même de discerner la faconde et de ne la point confondre avec la hauteur de pensée. Alvan parlait franchement de lui-même, sans plus hésiter à se faire connaître que l’Alpe hautaine dressée dans le ciel. Intrépide, confiant, habile, il ne pouvait qu’être ce qu’il se croyait : invincible. La femme qui serait la compagne de cet homme devrait participer à toutes ses richesses, y compris le courage. Clotilde conclut aussitôt qu’elle en était pourvue au même degré que lui. N’en donnait-elle pas la preuve ? La présence, autour d’elle, des braves gens qui ouvraient de grands yeux, la laissait indifférente ; la proximité de ses proches ne troublait en rien son exaltation. Assise sur un char de feu, en compagnie de son dieu du soleil, elle volait au-dessus de leurs têtes. C’était le courage qui l’inspirait, rien que le courage, un courage agissant et supérieur à toutes ses témérités passées, à ces témérités verbales qu’elle avait crues si audacieuses. Maintenant enfin elle agissait ; maintenant elle se montrait digne d’aller de pair avec l’annonciateur et l’incarnation de l’action.

Alvan en était enfin venu au parallèle promis