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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

en graisse » qui a atteint, dans un entassement d’or, son but unique, et ferme sa porte à toute idée hardie. L’action, c’est la vie de l’âme aussi bien que celle du corps. Le compromis est une mort virtuelle, un pacte entre la pleutrerie et les aises, au nom des convenances. C’est le compromis qui accumule autour de nous les déchets corrompus ; c’est par lui que nous étouffons, que nous pourrissons. La guerre au mal sous toutes ses formes ne saurait cesser et s’accommoder d’une paix quelconque. À nous donc de trouver notre joie dans la guerre, dans une action sans fléchissement, ce qui ne veut pas dire sans finesse. L’action galvanise les intelligences, suscite les grands talents, donne l’émulation, prête de la grandeur aux âmes ennemies, et assure au bien de l’espèce de valables conquêtes. En douter, c’est douter que les recherches contribuent au progrès. Il évoquait la force de Rome au temps de ses troubles, son déclin au temps de son apaisement. Rome en lutte mettait la main sur le monde ; Rome engourdie appelait le Goth et le Vandale.

Antithèses accumulées par un pamphlétaire de carrière, où soudain Clotilde trouva le prétexte attendu.

Ce fut à l’occasion du personnage d’Hamlet dont il esquissait l’analyse pour accentuer, par contraste, le caractère de l’inaction. Il faisait observer à propos de la jeunesse pleine de promesses du prince, de quels dons précieux le jeune homme était primitivement comblé.

— Il est fou, d’emblée ! s’écria Clotilde.

Son interruption fit l’effet d’un éclat de tonnerre. Il y eut un bruit soudain de talons sur le par-