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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

sa descente des cimes, elle trouva la dame en toilette d’apparat, radieuse, effervescente : « Quel déjeuner, ma chère ! » ; la prodigalité, la gaîté, les anecdotes, l’esprit, la profusion de tout ce qui fait le prix de la vie ! Comment rêver rien de pareil ? Ni son mari ni elle ne gardaient souvenir aussi magique ! Où ce déjeuner avait-il donc eu lieu ? Chez Alvan, naturellement ; où le soupçonner ailleurs ?

— Vous connaissez Alvan ? s’écria Clotilde, soudain exaltée par les transports de son hôtesse.

— C’est un des meilleurs amis de mon mari.

Clotilde simula le désespoir en se tordant les mains :

— Oh ! l’heureuse femme qui connaît Alvan ! Tout le monde l’approche donc, sauf moi ? Quelle injustice ! Et pourquoi ? Parce que je ne suis pas mariée ? Soit ! Je vais me marier demain matin, pour avoir le droit de rencontrer Alvan demain soir.

Personne ne se méprend au sens d’un tel désespoir et la dame en sut trouver l’exacte traduction : « Car tel est mon bon plaisir ! » On aime toujours avoir un héros à produire, et un ami à qui le montrer. Elle était d’ailleurs habituée à présenter Alvan à des admirateurs.

— Inutile d’attendre à demain, fit-elle ; venez donc chez nous ce soir ; nous aurons Alvan.

— Vous m’invitez ?

— Certainement. Vous me ferez plaisir en venant. Alvan sera sûrement des nôtres ; il me l’a promis et ne manque jamais à sa parole. N’est-ce pas Mme de Crestow à qui je suis redevable de votre connaissance ? Elle vous amènera…

Mme de Crestow était une cousine par alliance