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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

étonner de cette fille-là ! fit la baronne. Quand doit-elle écrire ?

— Oh ! elle peut bien le faire : la lettre ne trouvera plus son destinataire, répondit Tresten en levant les sourcils d’un air significatif. Monsieur le légiste est parti. Un vrai boulet de canon ; reparti chez lui. Il m’a dit qu’il écrirait au général, qu’il renonçait à son rôle et entendait, pour sa part, en finir avec cette affaire.

— On ne s’est pas montré impoli pour le pauvre homme ?

— Mon Dieu, non. Mais représentez-vous un petit avocat paisible, bien ordonné et bien onctueux, — on vous a déjà parlé de lui, — dont le client s’enfle tout à coup, se transforme à ses yeux, en bête effroyable, combinaison de lion et d’éléphant, rugit, fait trembler les murs, piétine et vomit un torrent de paroles enflammées, ponctuées d’éclats de tonnerre. Vous entendez d’ici notre Alvan ; vous le voyez ! Il a perdu la tête et quelques poignées de cheveux. La fille ne vaut pas un cheveu ! Mais allez donc faire entendre raison à cet homme-là !

— Voilà comment il prend la chose, fit la baronne, d’un ton rêveur. Cela passera d’autant plus vite. Elle ne s’est jamais souciée le moindrement de lui. Et voilà où le bât le blesse ! Il a convoqué le monde entier pour lui présenter une péronnelle qui se rit de lui et le tourne en ridicule. Ce serait dur pour n’importe quel homme ! Quant à Alvan, songez un peu ! Pourquoi ne vient-il pas ici ? Il tempêterait toute la journée et toute la nuit contre moi, après quoi je finirais bien par le bercer et par l’endormir. Mais voyons : il n’a encore rien fait ?