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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

puissant à imaginer ce qui avait pu survenir, il commençait à étouffer, comme si autour de lui, l’atmosphère se fût condensée en eau. À son insu, il avait joué toute sa vie sur la révélation de cette minute. Une si petite chose ! Son intelligence en pesait la petitesse, mais il s’était fait à son échelle ; il l’avait élargie de toute la grandeur de son désir, et telle était sa nature que le désir d’une chose refusée, mais qu’il croyait pouvoir dire sienne, faisait du monde un tourbillon vide, jusqu’à ce qu’il eût obtenu satisfaction. Il attendait : nulle comparaison ne le représenterait mieux que celle d’un cheval sauvage aspirant la brise, du fond de sa captivité. Ses flancs frémissent comme un champ d’orge creusé par le vent, ses nerfs sont tendus comme des cordes, ses naseaux trompettent son désir ; c’est une flamme qui couve et qui veut éclater.