Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
197
LES COMÉDIENS TRAGIQUES

vieux miroirs bombés, dont la surface d’argent poli renvoie une silhouette grosse à peine comme une tache de rosée. Voilà comment devrait la refléter un cœur d’homme. Mettez-la en bonne lumière et vous la trouverez parfaite. Foin de l’ombre ou de vos miroirs plats. Les portraits de femme n’ont jamais demandé grande fidélité de dessin ; ce que nous cherchons, c’est une impression d’elles, ce qu’elles ont de meilleur. Vous reconnaîtrez qu’elle est Grecque. Elle est de Périnthe, d’Andrian, d’Olynthie, de Samos, de Messénie. Il me souvient qu’une des adorables filles de la Comédie-Nouvelle s’appelait Celle qui tergiverse, Celle qui diffère, ou comme nous pourrions dire : Celle de demain. Voilà Clotilde : elle est Celle de demain. Il faut gravir le pic de demain et pour la voir un instant, escalader le sommet prochain, mais chaque jour elle vous laisse à caresser sa promesse de la veille, et c’est de quoi vous soutenir en route. Tant que dure la patience, au moins. Se repaître des promesses d’hier faites par une jeune femme, quand on a quarante ans ! Il faut que cela finisse demain, quand même je devrais tuer quelque chose !

Par quelque chose, il entendait cet esprit ailé et farouche qu’il admirait chez Clotilde comme sa plus pure essence… à la condition de pouvoir l’étouffer dans son étreinte.

— Que songez-vous donc à tuer ? demanda la baronne.

— Le fou des années écoulées, fit-il, et cela pour entrer en sage dans la quarantaine.

— Sans doute pour être le compagnon et l’égal de votre femme ?

— Pour prouver que les leçons de la plus sage