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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

raison, — il faudra que le charme opère doublement. Je serai obligé de la rendre pendant vingt-quatre heures à sa famille, et pour la tenir bien en mains, il faudra doubler la dose. Vous voyez que je lis clairement en elle. Et je suis plein d’indulgence aussi ; j’use d’une tolérance toute philosophique. Mon humeur d’aujourd’hui est celle d’Horace, quand il chantait une de ses beautés grecques.

— Ah ! je vous en prie ! pas de cette comparaison qui met ma patience à bout ! interrompit la baronne. Mon cher Sigismond, vous n’avez aucune philosophie, vous en avez été toujours dépourvu et quant à Horace, ses fredons et ses pleurnicheries vous sont plus étrangers que tout au monde. Philosophie chantonnante de gros richards, de négociants retirés des affaires, de podagres à demi-ration de vin, de vieillards qui ont renoncé à penser et de jeunes gens qui n’ont jamais rien éprouvé. Philosophie de pourceaux qui grognent en chauffant leur graisse au soleil. Laissez-moi tranquille avec Horace. Vous avez en vous trop de poésie pour vous appliquer les paroles de ce sensuel anémique. L’amour lui abîmait le foie et lui valut quelques jaunisses. Pauvre fantôme de philosophie qu’il lui inspire ! À vous, il donne l’énergie. Oh ! le sempiternel Horace ! Le versificateur de l’ennemi calfeutré dans ses coussins, mais non pas le nôtre, à nous qui suivons les sentiers pierreux ; le flûtiste des âmes bourgeoises, le poète des incroyants soumis à toutes les pratiques.

— Pyrrha, Lydia, Lalage, Chloé, Glycère, murmurait Alvan, bercé par la musique des noms. Clotilde est une Grecque des Îles, une Ionienne. Je la vois dans l’ode d’Horace comme dans un de ces