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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

de l’un d’eux au moins, — elle inscrivit à l’intérieur, non pas son nom de Clotilde, mais le terme le plus tendre dont il l’eût désignée, avec l’espoir que l’émotion de ce mot « enfant » lui dît, s’il pouvait y prendre intérêt, qu’elle avait agi par contrainte et lui restait fidèle. Les âmes faibles tiennent fort à avoir le sentiment pour elles, et puisent dans cette idée un vrai réconfort.

Le temps passa, les jours coulèrent ; le tendre souvenir restait sans effet. Ce fut le dernier effort de Clotilde. Elle compara ses souffrances à l’insensibilité d’Alvan. C’était de quoi les séparer à jamais.

On la mit bientôt en demeure d’écrire à Alvan une lettre qui signifiât la rupture et lui notifiât son engagement avec le prince Marko. Elle devrait confier elle-même cette lettre à un tiers, étranger aux deux partis, qui lui remettrait en échange une lettre d’Alvan. Elle affirmerait à cet émissaire qu’elle agissait en toute liberté, mais jurerait préalablement à son père de passer, sans la lire, la lettre à Marko, son fiancé. Le général, comme les autres membres de la famille, tenait l’engagement avec le prince pour chose convenue, et Clotilde était frappée comme d’une fatalité par cette unanime illusion. Son père affirmait qu’Alvan s’acharnait contre lui et cherchait à compromettre gravement sa situation ; attaque sans autre justification que la vanité blessée d’un impudent qui travaillait à ruiner la famille, et se disant engagé d’honneur envers Clotilde, doutait qu’elle pût agir en toute liberté. Il suffirait donc, pour en finir avec cette affaire, de lui rendre sa parole, et Clotilde affirmerait qu’elle n’avait cédé à aucune contrainte, et