Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
167
LES COMÉDIENS TRAGIQUES

et montrer que la sombre prison de son cœur était à jamais close et privée de lumière.

Il partit. Il était bon, docile, humain ; il était généreux et doué d’exquises manières ; il apportait la paix et avait reçu son avertissement. Rien de difficile, aux heures d’affliction, comme de nous croire des devoirs envers un être qui nous appartient. L’amoureux au dévouement et à la sincérité indubitables devient, dans sa candeur, un être falot : on ne lui en veut pas de son dévouement, mais on veut le croire à toute épreuve. Peut-être, pour avoir la paix… après l’avoir prévenu… Les méditations vacillantes de Clotilde se résolurent en points.

Dangereuse habitude que celle des dialogues muets pour un cœur affamé ; à la place des séries de points survient tôt ou tard un inévitable tiret qui trahit la résolution fatale, aussi nécessairement, aussi naturellement que l’enfant aventureux revient au giron maternel après une expédition de deux pas sur ses jambes torses, et guère moins innocemment non plus, semble-t-il. Le tiret, havre de refuge, ne serait pas admis s’il s’exprimait en mots. Comment vivre avec nous-mêmes, si nous laissions l’animal penser clairement en nous ? Nous vivons sans déplaisir, tant qu’il exprime ses desseins en son langage primitif, même si nous avons nettement saisi son désir et devinons bien l’endroit où il veut nous conduire. Pas de plus valable conseil que de laisser en nous le cœur s’exprimer clairement. Faute de ce guide, les brèves expéditions de Clotilde au pays des Points et Tirets avaient de quoi la terrifier, tout en paraissant non seulement inévitables, mais annonciatrices d’un inévitable avenir.