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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

montrait, en somme, le plus fieffé traître à l’amitié que l’on eût jamais connu. C’était fini de cet homme. Clotilde le balaya de la terre.

Elle qui avait fondé tant d’espoirs sur ce professeur !

— Faux ami ! s’écria-t-elle, et elle pleura, au nom d’Alvan, sur une telle duplicité.

Il ne lui restait plus personne, que la baronne, de qui attendre l’intervention d’un bras vigoureux.

L’emphatique approbation donnée par le professeur à sa soumission était une hypocrisie scandaleuse, et Clotilde se félicitait du contraste entre cette réponse et sa propre lettre à la baronne. Le ton hésitant, trébuchant, aimablement gauche d’oison innocent et frais éclos de l’œuf, en était un triomphe de candeur. Elle se remémora des passages, des paragraphes entiers de la missive et s’affirma qu’un bavardage aussi affectueusement déférent n’eût pas manqué de la toucher, et lui eût donné l’impérieux désir de serrer l’expéditrice dans ses bras : c’était une lettre faite pour émouvoir une femme et toutes les femmes. De l’aînée, la cadette implorait une arcadienne bénédiction, et la priait de laisser la jeunesse se blottir contre une poitrine qu’elle n’avait eu nulle idée d’accaparer. Elle ne pouvait avoir caressé pareille idée, sans quoi elle n’eût pas eu le front de présenter sa requête. Il fallait bien repousser toute pensée de cette espèce pour pouvoir féliciter une vénérable dame de sa pure amitié pour un homme. D’ailleurs, à la seule vue du portrait de la baronne, la plus banale politesse faisait conclure à la pureté de cette amitié. Oui, la charité pour le pauvre homme voulait que ce fût de l’amitié.