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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

pratique, de faire appel à un cocher. Alvan, le républicain, est avant tout bon citoyen. Considérez sa vie passée d’après ce trait de caractère.

Cet homme, dont l’ardente rébellion avait si souvent défié le monde, se faisait, par désir d’une passion respectable, strictement observateur, sinon esclave, de ses lois, comme ces hauts personnages qui ont satisfaction à répondre au salut profond de la foule. Il faut évidemment, pour leur auguste sérénité, que la foule salue d’abord, mais le petit signe de tête qu’ils rendent en échange n’a rien d’indépendant. En cessant d’être un rebelle, Alvan se voyait dignitaire reconnu de la société et tombait dans les chaînes de cette situation nouvelle.

Clotilde avait passé dans cette chambre et donné la preuve de ce qu’on pouvait attendre d’elle. Elle s’était compromise et avait mis en jeu son honneur de jeune fille ; ses parents devaient le comprendre et agir en conséquence. Sa sotte de mère serait mise à la raison par le général, qui était homme du monde et ne songerait pas à repousser, — du moins dans l’état actuel des choses, — un gendre honorable et appelé, en définitive, à faire l’orgueil de sa maison. « Donne-moi, ami, une fleur de ton jardin, et je réjouirai, en la portant un jour, ton cœur paternel. »

La lettre dépêchée, Alvan se mit à arpenter la chambre en compagnie du fantôme de Clotilde. On vint bientôt le prévenir que le comte Walburg et un autre familier des Rüdiger demandaient à le voir. Ces messieurs n’apportaient pas de réponse du général, mais prétendaient obtenir d’Alvan la promesse de renoncer à Clotilde. Il s’y refusa, bien entendu, et à leur suggestion que le général pou-