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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

IX

Après son hautain exploit, Alvan regagna son hôtel, où le spectacle de la chambre qui, le matin même, avait vu entrer Clotilde, lui serra le cœur. Il se mit à rédiger sa première lettre au général de Rüdiger et fit taire une voix secrète qui lui reprochait d’avoir dédaigné le chemin facile, pour s’engager sur un sentier inconnu et périlleux. Quel qu’il fût cependant, sa confiance en lui était assez forte pour lui donner la certitude de s’y frayer sa route, mais cette assurance n’empêchait pas le fantôme de Clotilde de le poursuivre d’un regard inquiet. L’insistance de ce regard finit par le faire songer par delà sa propre personne, à un acteur qui n’avait pas demandé à jouer son rôle, pour brillant qu’il fût. Lui, il appliquait toute son énergie au rôle qu’il s’était assigné, pour s’en tirer victorieusement. L’événement, sans aucun doute, tournerait à son crédit, et il entendait à l’avance les commentaires flatteurs du monde.

— La femme d’Alvan, dirait-on, fut honorablement conquise, au sein de sa famille, comme il sied à la femme d’un docteur en droit, quand il lui aurait suffi, pour l’enlever, selon l’ancienne et illégale