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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

frappa du pied ; toute sa personne crachait le mépris.

Alvan s’inclina, et avec un sang-froid parfait :

— Je vais de ce pas trouver le père de Clotilde ; avec un homme raisonnable, j’espère arriver à m’entendre vite.

— Entrez dans sa maison, et il vous fera jeter à la porte par ses valets.

— Croyez-vous ? Je ne suis pas de ces hommes qu’on chasse, fit Alvan avec un sourire. Mais je profiterai de votre avertissement, Madame, et dans l’intérêt général, j’éviterai au père de Clotilde la tentation d’un geste pareil. Il ne sait pas encore à qui il a affaire. Je lui écrirai.

— On renverra vos lettres sans les ouvrir.

— Il est évident, Madame, que ma patience même a des bornes.

— La mienne est à bout, Monsieur.

— Vous nous réduisez à ne compter que sur nous-mêmes et ne nous laissez pas d’autre alternative.

— Vous ne m’avez pas attendue pour agir. Vous avez déjà brisé la réputation de ma fille en lui persuadant de quitter la maison paternelle sans esprit de retour. Oh ! on vous connaît ! on connaît vos procédés à l’égard des femmes comme des hommes. Nous vous connaissons, et il ne nous reste, Dieu merci, pas grand chose à apprendre sur votre compte, voleur que vous êtes !

— Voleur ! La voix d’Alvan relevait le mot en un vibrant écho. L’orgueil blessé se révoltait et l’homme se faisait si menaçant que Mme de Rüdiger eut conscience d’avoir touché à une blessure toujours saignante. Il était si terrible à voir qu’elle atténua la portée de son accusation :