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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

et l’assurance du sang-froid lucide qui appuyait cette vaillance attestait son invincibilité. Rien ne lui semblait plus naturel, marchant ainsi à son côté, et contemplant en imagination leur commun triomphe, que de faire le pas qui la préparait à devenir sa Princesse Républicaine. Épouse du plus grand des grands, ce titre la mettait au rang des puissances de la terre ; elle en foulait d’autres aux pieds, avec un sentiment de gratitude pour l’homme qui l’avait portée et la soutenait à cette hauteur. L’Élu du Peuple, détenteur d’une puissance plus haute que celle qui répond aux trompettes des rois ! Pour avoir le droit de s’asseoir à son côté, elle pouvait bien affronter la colère paternelle. Elle pressa le bras d’Alvan, comme pour participer plus sûrement à sa gloire. Était-ce de l’amour ? C’était au moins l’essor le plus haut à quoi sa nature pût prétendre.

Elle indiqua la ville où séjournaient ses parents, au bord du grand lac suisse, et invita Alvan à l’y suivre. Elle lui donna le nom et l’adresse de l’hôtel où elle voulait le voir descendre et fixa l’heure de son arrivée.

— Ne suis-je pas précise comme un employé de bureau ? demanda-t-elle, avec un avant-goût de la réalité à laquelle cette précision donnait corps.

— Méthodique comme un ministre, répondit-il avec conviction.

— Je ne vous ferai pas attendre, promit-elle.

— Plus tôt nous nous réunirons après avoir déclenché l’offensive, plus nous aurons de chance de succès, ma crête d’or.

— Ne doutez plus de moi, cher seigneur. Vous m’avez transformée. Vous avez fait passer une étin-