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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

livrée lugubre et saturnine. Ils le reconnurent au passage et poursuivirent leur chemin.

— Au moins la femme de Sigismond Alvan ne sera pas pauvre en renommée, reprit-il, en déployant tous ses trésors de séduction.

— Aussi ma plus haute ambition est-elle d’être la femme de Sigismond Alvan, s’écria Clotilde.

Ces paroles étaient grisantes comme un vin et le cœur d’Alvan s’épandit en une explosion joviale :

— Non, par le ciel, vous n’avez pas fait un si mauvais choix. La femme de Sigismond Alvan est assurée d’occuper partout la première place. Regardez-moi.

Il levait la tête, carrait ses larges épaules, et ouvrait tout grands ses yeux d’aigle. Il s’était retrouvé et sa nature altière s’épanouissait à nouveau, après l’humiliante rétraction de sa vanité sous un regard de jeune fille.

— Croyez-vous qu’un homme comme moi puisse marcher au second rang ? Je consens à travailler et à combattre sans relâche, mais j’entends aussi obtenir le prix du combat et le savourer à loisir. Je ne suis pas taillé sur le maigre patron des humbles martyrs d’une cause, moi qui jette dans le plateau de la balance un poids si décisif. J’aime les beaux fruits, ma toute belle, et ma République, ô splendide Lutèce, aura des dignités enviables à vous offrir.

La flamme de ses yeux, l’assurance de son accent étaient faits pour donner du poids à ses promesses. Il poursuivit :

— Femme de l’Élu du Peuple, n’est-ce pas, à votre gré, un titre aussi glorieux que celui de l’épouse d’un souverain héréditaire, radotant de