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CHAPITRE VI

tations dans plusieurs grandes maisons. Il montrait une certaine peur des ricanements. Se rappelant ses remarques, son esprit fut affligé par cet illogisme en lui qu’elle ne découvrait que depuis la contrainte où il pensait mettre ses idées. Elle résolut de provoquer une discussion. Mais sur quoi ? Ce point la forçait à éluder. Le monde est un sujet trop vaste, trop poreux, trop bariolé pour qu’une jeune fille pût le défendre contre un homme. Cet « illogisme » avait heurté ses sentiments plus qu’il n’avait révolté sa raison. Elle ne pouvait se constituer l’avocate de Mr. Whitford. Cependant elle réserva la discussion pour un événement à venir.

Elle se représenta la figure que ferait Sir Willoughby aux premiers accents de sa fiancée décidément en désaccord avec lui. Et l’image évoquée ne se précisa point. Il était beau, si régulièrement beau que la moindre touche hostile produisait une caricature. Son air habituel de fierté heureuse, de contentement indigné plutôt, était trop facilement outré. La surprise, quand il y mettait un peu d’emphase, élargissait ses épais sourcils à lui donner l’apparence d’un masque et plus tard quand elle avait des idées sombres ce fut ainsi qu’elle le voyait. Ce qui était injuste, contraire à ses vrais sentiments ; elle se le reprochait et, autant que le permettait la méchanceté de son esprit, elle tâchait de se le représenter comme tout le monde le voyait ; un effort qui l’induisait à réfléchir sur les beautés de l’ignorance. Il lui semblait qu’elle était