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L’ÉGOÏSTE

du murmure de ses lèvres pincées, quand il déclarait : « Je ne suis point poète. » Mais sa poésie d’une tonnelle enclose et fortifiée, sans les rimes dénuées de sens par quoi se captive l’oreille des femmes, lui semblait incompréhensible, sinon hostile. Elle n’allait, sans doute, pas brûler le monde pour lui ! Quoiqu’une poésie plus pure soit peu imaginable, elle était bien décidée à ne point se laisser réduire en cendres, en encens, en essence, pour l’honneur de lui, et par transsubstantiation d’amour, devenir effectivement l’homme qu’elle allait épouser. Avec l’égoïsme des femmes, elle préférait être elle-même. Elle le disait : « Il faut que je sois moi-même, Willoughby, pour vous être chère ! » Infatigablement il la sermonnait sur les esthétiques de l’amour. Pour l’indemniser de la désillusion sur le monde, il lui racontait ses pensées de jeunesse ; et ses aperçus originaux sur le monde, il les lui présentait comme une variation sur le thème.

Miss Middleton le croyant sincère, se résignait. Supportant si bien ce qui était en désaccord avec ses goûts, elle fut moins encline à subir ce qui l’avait choqué d’abord. Sa manière de traiter ses condisciples, son mode d’agir envers Mr. Vernon Whitford dont son père parlait avec chaleur ; la rumeur sur sa conduite envers une certaine Miss Dale… Et le récit populaire sur Constance Durham lui apparut en une version nouvelle. Il ne méprisait pas les louanges du monde. Mr. Whitford avait écrit ses lettres à la feuille publique du comté, ce qui avait valu à Willoughby des félici-