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L’ÉGOÏSTE

avait rien de fripon en lui, il ne pouvait y en avoir dans sa fiancée. La lutinerie, l’artifice, le caprice, il les abhorrait, étrangers à sa nature, et il plaidait qu’il n’était pas possible qu’il eût choisi pour sa compagne une personne entachée de ces défauts. Son ange gardien n’eût point ratifié ce choix. Une fréquentation plus assidue de Miss Middleton confirma ses premières impressions, ce qui est probant. La conduite de Clara confirmait, jour par jour, son opinion initiale à savoir qu’elle était essentiellement femme, en d’autres mots, un parasite et un calice. Il entreprit de se faire connaître à elle, sans aucune réserve, et sa timidité avec lui décroissant, elle devint plus réfléchie.

— Je juge au moral ! disait-il à Mrs Mountstuart.

— Ah vraiment ! Vous avez pénétré le moral d’une jeune fille ?

— À peu près !

— Ainsi disait l’homme qui plongea dans un puits pour y attraper la lune.

— Comme les femmes ravalent leur sexe !

— Du tout. Son caractère n’est pas encore formé. C’est vous qui le formez. Soyez prudent et avenant : la réalité sera votre meilleur guide ; les jeux de physionomie, les manières d’une jeune fille décèlent mieux son caractère que toutes vos épreuves. C’est une charmante jeune femme… Précisément…

— Quoi ? Précisément ? demandait Willoughby avec impatience.