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CHAPITRE V

faire répéter le catéchisme d’amour et il eut des réponses ferventes qui l’attachèrent à elle si indissolublement qu’elle ne put douter d’être aimée. Je suis aimée ! exclamait-elle aux échos de son cœur, en foi simple, en étonnement naïf. À peine si elle avait rêvé d’amour et voici qu’il se dressait sur son chemin. Elle y avait songé sans ardeur et ça y était. Elle avait pensé à l’amour comme étant un des biens éloignés du monde puissant, quelque chose qui se trouvait peut-être dans les forêts, par delà les mers agitées, voilé, barré, par des périls séduisants, un secret angoissant, mais trop lointain pour la faire palpiter. La principale idée qu’elle s’en faisait, c’est que l’amour enrichit le monde.

Ainsi Miss Middleton acquiesça au principe de la sélection.

Et le meilleur homme de la multitude, sonnait haut et clair de son cor triomphant.

Il apparaissait le plus adroit ; il justifiait le dictame de la science. La survivance des Patterne était assurée. Mrs Mountstuart Jenkinson qui l’admirait, disait : J’aurais considéré l’aubaine rien que pour la santé, mais elle a tout, lignée, beauté, sang ; elle est ce que l’on appelle une héritière, et la plus accomplie de son sexe. Avec un art raffiné il fit comprendre à la lady qu’il avait extrait Miss Middleton d’un tas sans qu’un souffle de ce tas eût offensé sa délicatesse. Il le disait, lançant un sarcasme aux jeunes femmes modernes qui s’en vont de par le monde grignotant