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CHAPITRE V

Willoughby étala ses aimables superlatifs sous les yeux de Miss Middleton ; il avait une jambe. Il était l’héritier d’heureux concurrents. Il avait une manière, un ton, un tailleur artiste, une autorité en convenances. Parmi cette multitude en ardeur de la chasse, il avait l’attrait de la nouveauté. Ce qui, ajouté à son indéviable énergie quand il s’agissait de gagner un prix, le rendait irrésistible. Il n’épargna aucune peine car il était avide d’être le premier au poteau d’arrivée. Il courtisa son père, sachant que les hommes semblablement, et, surtout les parents, font aller leurs préférences à l’offre la plus large, la poche la plus profonde, les terrains les plus étendus, la considération la plus respectée. Les hommes, d’après leur mode, aussi bien que les femmes, distinguent le meilleur, aident à son succès. Ainsi fit certainement le docteur Middleton, dans la crise de la mémorable question posée à sa fille dans le mois qui suivit la réception de Willoughby à Upton Park. La jeune fille fut étonnée du tourbillon dont il l’entourait et s’inclinait comme un jeune plant. Elle implora un sursis ; à peine si Willoughby pouvait attendre. Sans hésitation elle affirma qu’elle n’aimait personne mieux que lui ; il consentit un examen calme de la situation, lui fit comprendre que celle-ci était fausse tant qu’il resterait fiancé, mais elle ne voulut pas l’avouer. Elle invoquait un grand désir de voir un peu le monde avant de se lier. Il en fut alarmé et rendit responsable le merveilleux Dieu de l’Amour sous la forme la plus subtile de la divinité.