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L’ÉGOÏSTE

« Vous dites que Patterne va enfin avoir une maîtresse ? Mais jamais il n’y eut le moindre doute que Willoughby dût se marier. Du moment qu’il ne s’unit pas à une étrangère, il n’y a pas lieu de se plaindre. Il l’a rencontrée à Cherriton. Au même instant tous deux s’éprirent. Il paraît que son père est une manière de savant. De l’argent ; pas de terres. De maison non plus, je crois. Ils passent la moitié de leur existence sur le continent. À présent ils sont pour une année à Upton Park. C’est juste ce qui lui convient. Dix-huit ans, des manières parfaites ! Inutile de demander si c’est une beauté ! Willoughby aura son dû. Nous aurons à lui suggérer de lui donner des dédommagements — n’écoutez donc pas lady Busshe ! — À vingt-trois ou vingt-quatre ans, il était beaucoup trop jeune. Un jeune homme, on ne le plante jamais là ! C’est lui qui s’échappe. Un jeune homme marié, c’est un canon braqué sur la paix ; s’il la garde, il la compromet. À trente et un ou trente-deux ans il est mûr pour diriger, car il sait comment. Et Sir Willoughby est un homme splendide à qui il ne faut qu’une femme pour le compléter. Pour un homme comme lui, vagabonder ne vaudrait rien. Sobrement ? Allons donc ! Bientôt il serait ridicule ! Il n’a jamais été pire que les autres, probablement meilleur. En tout cas, plus excusable. À présent nous le tenons, il était temps. Je la verrai, je l’étudierai, avec attention — vous pouvez en être sûres. — Pourtant je crois que je peux me fier à son jugement. »