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L’ÉGOÏSTE

Vernon et Lætitia, il parlait encore de son père, disant avec orgueil : « Il est capable de conduire une armée ! » puis il disait encore : « Hé ! M. Whitford, Sir Willoughby est très bon pour moi, il me donne des pièces de monnaie ; pourquoi n’a-t-il pas voulu recevoir mon père ? Mon père vint ici, à travers la pluie, il fit un parcours de dix milles pour le voir et il s’en retourna, ce qui fit encore dix milles, et il dut coucher dans une auberge. »

La seule réponse à donner ce fut que sans doute Willoughby n’y était pas.

— Oh ! mon père le voyait, tandis qu’il disait qu’il n’y était pas, répondit le petit garçon avec une voix crispante, dénuée de malice. Cependant Vernon affirma à Lætitia que jamais le petit garçon n’avait sollicité là-dessus une explication de Sir Willoughby.

Dissemblablement du cheval de la légende, il fut plus aisé de contraindre le jeune Crossjay à s’abreuver aux eaux vives de l’instruction que de le mener au précipice. Son cœur était moins rebelle que sa nature, et par degrés, grâce à un mélange de sévérité et de douceur, il fut imbibé de science. Il était à siffler près de la fenêtre de la cuisine, après un jour de vicieuse paresse, un soir d’avril et s’informait du menu du souper. Lætitia entra dans la cuisine, levant un doigt réprobateur. Il s’élança pour l’embrasser et, bavardant, il raconta qu’à quinze milles de là, il avait vu Sir Willoughby à cheval avec une jeune lady. L’impossibilité que l’enfant eût marché si loin, laissait