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L’ÉGOÏSTE

la laissait aller, disant : « Je ne pouvais souhaiter une plus belle scène de bienvenue… Vous ! Et ces enfants cueillant des fleurs ! Je ne crois pas au hasard ! Il était écrit que nous nous rencontrerions. Ne Je croyez-vous pas ? »

Lætitia, de contentement, soupirait.

Il lui donna une pièce d’or à distribuer aux enfants, demanda leurs noms et il répéta : « Mary, Suzanne, Charlotte, rien que les prénoms, je vous prie ! Bien, mes mignonnes, demain matin, vous apporterez vos guirlandes au château. De bonne heure, s’il vous plaît, ne soyez pas paresseuses demain… J’ai bruni, n’est-ce pas, Lætitia ! » Il souriait, en apologie du soleil étranger, et il murmurait en ravissement : « La verdure en Angleterre est incomparable. Pour l’apprécier, il faut l’avoir quittée et s’être fait rôtir. Oui, il faut, comme je l’ai fait, avoir vécu dans l’exil… Durant des années… Combien ? »

— Trois ans ! dit Lætitia.

— Trente ! répliqua-t-il. Oui, au moins trente ans, tant je suis vieilli. Mais si je vous regarde, il y a moins de trois ans. Vous n’avez pas changé. Du tout ! Et j’ai lieu de l’espérer. Je vous verrai bientôt. J’ai beaucoup à vous dire, à vous raconter. J’irai, sans retard, voir votre père. J’ai à lui parler en particulier… Mais — et c’est un grand bonheur, Lætitia — je ne dois pas oublier que j’ai une mère. Adieu… pour quelques heures seulement.

Il lui reprit la main, la serra encore, et il partit.