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CHAPITRE III

couple. Elle souhaitait d’assister à la cérémonie du mariage. Elle en prévoyait le jour avec ce mélange d’ardeur et d’appréhension qui nous étreint à mesure que nous approchons du dénouement d’un roman fascinateur, lorsqu’un dimanche matin, comme, seule, elle traversait le parc pour aller à l’église, Willoughby la rencontra. On n’était plus qu’à dix jours de la cérémonie. Elle le croyait parti, à l’autre bout du comté, chez Miss Durham. Elle savait que la veille il était parti. Et il était là ! Et, chose surprenante, peu coutumière, il présentait son bras à Lætitia pour la conduire à l’église. Il parlait et riait d’une manière qui la fit ressouvenir d’un gentleman en chasse, qu’elle vit un jour se dresser sur ses pieds, après une terrible chute par-dessus une haie : « Tout va bien ! Sain et sauf, à peine une égratignure ! » disait-il en épongeant le sang qui lui couvrait la figure. Willoughby madrigalisait sur le bonheur de la rencontre. « Je suis vraiment heureux », disait-il. Et il dit encore d’autres choses, parlant sans cesse, et il narrait des anecdotes sur les choses du comté, riant à gorge déployée. Il parlait sous le porche, chuchotait dans la nef, en passant près des bancs de Mrs Montstuart Jenkinson et de Lady Busshe.

Sûrement il était amusant, mais comme cela semblait étrange à Lætitia. Elle avait la figure à demi voilée par un antique chapeau. Il rapprochait la sienne avec un regard chargé de sollicitude.

Après le service, il évita les grandes dames, en