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CHAPITRE III

lors de votre vingt et unième anniversaire, Ô Willoughby ? » Depuis lors, elle s’était lancée dans le monde, et il comprenait sa propre antipathie, ses hésitations de la première heure. Il était vraiment incapable de jalousie individuelle. Un jeune capitaine Oxford faisait partie de l’escadron acharné à la poursuite de Constance. Willoughby n’avait pas du capitaine Oxford une plus grande idée que de Vernon Whitford. Son ennemi, c’était le monde, la masse qui nous déconcerte en bloc, ceux qui ont regardé celle que nous avons choisie, celle que nous ne pouvons jamais purifier de l’abominable contact avec la foule. Le plaisir du monde, c’est d’empiéter sur notre moi, d’accrocher notre identité, de souiller notre délicatesse. La pensée initiale, c’est le dégoût du monde.

Dès que les fiançailles furent publiées, tout le comté assura que jamais Lætitia n’eut la moindre chance. En une attitude de contrition, Mrs Montstuart Jenkinson fit humblement remarquer : « Je ne suis point une magicienne. » Lady Busshe aurait pu prétendre qu’elle l’était, car elle avait prophétisé l’événement. Quant à Lætitia, elle partagea l’opinion du comté. Sans espoir elle avait visé haut. Elle était la compagne solitaire d’un père maladif, dont le pronostic répété la tourmentait : à savoir qu’un jour elle régirait Patterne Hall, affirmation qui n’allait pas sans un espoir de confort. À peine si la nouvelle des fiançailles le fit taire ; les invalides sédentaires s’attachent