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L’ÉGOÏSTE

les contempleurs souffreteux. Elle avait la gloire du « cutter rapide » toutes voiles dehors, vent arrière ; et elle ne courait pas pour le gagner, mais pour le fuir. Dans ses moments les plus réfléchis, la séduction était souveraine de cette dame qui tendait le miroir devant ses traits. Mais la passion le torturait en accès, quand le magnétisme de la fuyarde l’attirait dans son sillage. Pour mieux embrouiller, il aimait sa liberté ; il était princièrement libre ; il avait plus de sujets ; plus d’esclaves ; il dominait avec arrogance le monde des femmes ; il était mieux lui-même. Ses expériences dans la capitale ne répondaient pas péremptoirement à cette question : « Est-ce que nous lions la femme à nous idolâtriquement en l’épousant ? »

Pendant qu’il hésitait ainsi, une allusion de Lady Busshe aux succès de Miss Durham fit jaillir sa déclaration. Elle accepta. Ils furent fiancés. Elle semblait enjouée, tandis que, dans l’angoisse, il attendait. Ainsi son amour-propre fut froissé. Elle ne se présentait pas à lui en pureté claustrale, dans un nimbe d’innocence. Tandis que, lui, se sentait prince, despotiquement. Il aurait voulu la voir sortir d’une coquille, éberluée comme un poussin, et qu’elle n’en fût point sortie avant qu’il eût brisé la coquille, étant le premier homme qu’elle eût vu dans la notion de la différence des sexes.

Elle parlait sans réticences de ses cousins, de ses amis, de jeunes mâles. Elle aurait pu lui dire : « Pourquoi ne vous êtes-vous pas déclaré la nuit de la fête,