Page:Meredith - L’Égoïste, 1904.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
23
CHAPITRE III

son Ariane, une mouche échappée d’un pot de confitures, un sauvage ou cocquebin pris aux rets des nymphes et contraint d’aller au pas. Willoughby fut inflexible dans ses comparaisons heureuses quand il fit à Miss Durham la satire des lignes de Sir Roger de Coverley et acquit la réputation d’un railleur pétillant. Cependant le bruit courait qu’il entendait marier Lætitia à Vernon, lorsqu’il se serait décidé à épouser Miss Durham. Sa générosité fut vantée. Pourtant cette décision, quoique la corde affectât la forme d’un nœud, semblait forcée pour la traction finale ; mieux valait la stagnation, à moins que l’on ne supposât son affection cousinale plus ardente que sa passion, s’il faisait la cour à Lætitia pour son cousin. Il était assez généreux pour l’entreprendre et même pour se marier avec la fille sans dot.

Il courait une histoire sur lui, d’une jeune et brillante veuve de l’aristocratie qui avait failli le prendre au piège. Pourquoi ne voulait-il pas choisir femme dans notre aristocratie ? Mrs Mountstuart lui posa la question. Il répondit que les filles de cette classe sont dénuées d’argent et qu’il doutait de la qualité de leur sang. Mais il ouvrait l’œil. Son premier souci, c’était son devoir envers la maison, et par suite, plutôt que d’obéir à son inclination, il aurait donné la svelte et peu robuste Lætitia à Vernon. La mention d’une veuve l’offensa singulièrement, nonobstant le haut rang de la dame en cause. « Une veuve ? », disait-il, « Moi ! ». Il parlait à une veuve, vétuste en vérité, mais