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CHAPITRE II

hésite en un tendre juste milieu de séduction et d’arrogance, d’audace et de discrétion ; entre : « vous m’adorerez » et : « je vous suis dévoué » votre seigneur et votre esclave en une personne. Une jambe de flux et de reflux, et de raz de marée. Une telle jambe, quand on la voit en devoir de se retirer, va droit au cœur des femmes. Rien ne leur est plus fatal !

Elle doit être contente d’elle-même. L’humilité ne dompte ni les foules, ni le sexe. Il est mensonger de resplendir. Une preuve que le contentement de soi est inévitable quand on sait avoir atteint une perfection ? Écoutez discrètement les mélodies captivantes, gardez-en pour vous le charme, car il est presque ridicule de révéler le ramage.

Il est inutile de vous rappeler qu’il a la jambe non perverse. Vous percevez en lui dans toute son éminence, ce que nous aurions volontiers introduit dans une nation qui, perdant sa jambe, a sans doute atteint une plus haute moralité. Ceci est souvent contesté, mais la perte de la jambe est avérée.

Valets et courtisans, et highlanders écossais, et aussi le corps de ballet, ainsi que les charretiers ont des jambes, des jambes évidentes, assez bien faites. Mais que sont-elles ? Non pas les instruments modulés dont nous parlons — simplement des jambes créées pour faire le travail des jambes ; brutes muettes. Tandis que la jambe de notre héros c’est la poésie, l’augure, la vaillance. Il avait une jambe comme Cicéron avait une langue. C’est un luth pour répandre l’harmonie