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L’ÉGOÏSTE

il lui plairait, et on l’assura qu’il avait suggéré à son parent et ami une propension à la vie militaire. Le jeune Sir Willoughbyv prit plaisir à parler de « son homonyme militaire et cousin éloigné, le jeune Patterne — le fantassin de marine ». Ce fut drôle. Et non moins risible, la narration de l’acte de valeur : le marin anglais ivre secouru à temps ; les trois braves du dragon noir sur fond jaune, faits prisonniers, leurs queues de cochon liées inextricablement les unes aux autres, et la marche plutôt oblique, vers nos rangs, les yeux bridés des Célestes pleins d’étonnement. Des faits d’un tel sang-froid excitent grandement les amis patriotes. Hé ! hé ! notre île est petite, mais voyez donc nos prouesses ! Les dames, la mère de Sir Willoughby, les tantes Éléonore et Isabelle, étaient plus fières encore. Mais quoi ? Nous autres Anglais, prouvons du sang très noble jusque dans les affaires ; des généalogistes l’affirment. Avec toute notre fierté nous sommes un drôle de peuple. Il est très possible que vous preniez votre viande de boucherie chez un Tudor, qui a coutume de s’asseoir sur la chaise rotinée d’un Plantagenet. Le jeune Willoughby faisait de son brave cousin une manière de pousse-langue ou de héros de « foot-ball » et il s’étonnait que le gaillard se fût contenté d’envoyer une lettre de remerciements en fervente effusion, sans se prévaloir de l’invitation à venir goûter l’hospitalité de Patterne.

Une après-midi il était à faire le beau entre deux rafales sur la terrasse du château, en compagnie de sa