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PRÉLUDE

verge de bouleau elle écarte le sentimentalisme, quoiqu’elle ne déteste pas le romantique. Si vous êtes honnête, aimez, aimez éperdument. Mais n’offensez pas la raison. Si un amant lève un doigt prétentieux, ce doigt sera mordu par le piège. Hé ! la singulière scène ? La charité née du dédain, par le fait d’un rire honorable. C’est Ariel délivré par le bâton de Prospero, des fers de la damnée sorcière Sycorax. Et ce rire de la raison est réconfortant comme le zéphir printanier. Par contre, écoutez une conversation sans levain. Cela pend comme la tétine de la vache que l’on vient de traire. Que ne se trouve-t-il dans la société un ecclésiastique en titre pour la foudroyer par l’excommunication ?

Le pathos ? Navire qui n’en a charge ne peut cingler. Jamais nous ne sommes totalement dépourvus de pathos. Il serait affolé, notre vaisseau moderne, s’il n’en portait dans ses flancs. Non pas que ce soit de la cargaison. Ni du lest. Toutefois il se mouille en route et devient très lourd.

L’Égoïste, sûrement, inspire la pitié. Lui, qui voudrait s’habiller aux dépens de tout le monde, et par ce désir, est condamné à se dépouiller lui-même jusqu’à la parfaite nudité, lui, si jamais pathos eut forme, peut être pris pour l’actuelle personne. Mais il ne lui est pas permis de se ruer sur vous, de vous rouler, d’écraser votre corps pour les gouttes salées. Voilà l’innovation.

Il se peut que vous le connaissiez hors d’occasion,