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CHAPITRE X

Avant d’avoir entendu parler de Constance, elle s’était complu dans sa liberté comme une déesse virginale, — elle ne pensait pas aux hommes ; même, si la figure d’un sauveur s’évoquait dans sa pensée, il apparaissait plutôt comme un ange qu’en héros. Cette gracieuse puérilité virginale avait pris fin. Tout son être se démenait sous la grippe du dragon. Avec la saveur du dégoût, incapable de se contenir, incapable de parler haut, elle en vint à se parler à elle-même, et toute sa féminité éclatait en ce cri : « Ah ! si j’étais aimée, non pas pour l’amour, mais afin de pouvoir souffler librement » ; ce qu’elle voulait, c’était d’assurer le charme de sa vie, comme une mère, dans un naufrage, ne pense qu’à faire atteindre la rive à son enfant. « Si quelque gentleman pouvait me voir ainsi et ne dédaignerait pas de m’assister. Oh ! pouvoir sortir de cette prison de ronces et d’épines. Je ne peux seule m’en évader. Je suis lâche. Mon cri de détresse en est la preuve. Un doigt levé en signe d’amitié me donnerait le courage, je crois. Sanglante, à travers le feu, je courrais à un ami. Un ami ! Je ne veux pas d’un amant. Je trouverais encore quelque égoïste, moins répugnant, mais qui me glacerait de son souffle de mort. Je pourrais suivre un soldat, comme le fit Sally ou Molly. Il consacre sa vie à son pays, le pire des hommes qui fait cela peut rendre une femme fière de lui. Constance a rencontré un soldat. Elle avait prié sans doute et sa prière fut rejetée. Elle fit mal ! Mais je l’approuve. Il s’appelait Harry Oxford. De