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CHAPITRE X

son « moi » plus que tout le reste. Elle le supposa à l’âge du héros de l’anecdote du Dr Corney : « Je vous en prie, sauvez ma femme pour l’amour de moi. Il faudrait que j’en prenne une autre ! Une autre qui peut-être ne m’aimerait pas aussi bien, qui ne comprendrait pas mon caractère, ne saurait apprécier la grâce de mes attitudes ». Il était dans sa trente-deuxième année, un homme jeune, fort et robuste, mais son babil sempiternel sur son thème favori, son emphatique « Je » et « Moi », lui donnaient quelque ressemblance avec un vieil homme souillé de sénilité.

— Gardez-vous de vous marier avec un égoïste !

Est-ce qu’il l’aiderait donc à se sauver ? L’idée de la scène qui aurait suivi sa pétition de délivrance, d’être traînée autour des murs de son égoïsme, sa tête portant sur les angles, cette idée la rendait malade. Il y avait l’exemple de Constance. Mais cette jeune lady dans son désespoir avait été aidée par un brave et aimable gentleman. Elle avait trouvé un capitaine Oxford.

Clara épiloguait là-dessus et finit par les trouver héroïques. Elle se posait la question : « Pourrait-elle faire la même chose, si quelqu’un survenait pour l’assister ? » En torpeur, elle fermait ses yeux, déviant de son désir, et pourtant incapable de dire : « Non ! »

Ceci était positif, Sir Willoughby avait dit « Gardez-vous. » Se marier avec lui, c’était aller contre son avertissement formel. Elle fut jusqu’à se le représenter plus tard, lui disant : « Je vous ai avertie ! »