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L’ÉGOÏSTE

Cette soirée induisit Clara à se méfier de son récent antagonisme. Sir Willoughby aidant, elle avait à son insu adopté la manière de voir de Miss Dale ; le voyant si cordial et si tranquillement jovial, elle aussi l’admirait, et il avait l’esprit familier, le genre d’esprit le plus séduisant. Mrs Mounststuart Jenkinson avait remarqué que sa jambe était parfaite comme physique ; Miss Dale y voyait l’essence vitale ; et devant chacune de ces ladies, il n’était pas seulement radieux, mais encore créateur, tant il est vrai que l’éloge est notre soleil fécondant. Il avait encore cet air romanesque, la coqueluche du comté, et qui, de prime abord, avait impressionné Clara ; et, chose étrange, cette résurrection de sentiment affrontait son expérience. Quoi donc, si elle eût été captieuse, inconsidérée ? Ô retour béni de l’apaisement ! Le bonheur de sentir la peine s’en aller, c’était tout ce qu’elle cherchait, et sa conception de liberté, c’était d’en arriver à aimer ses chaînes, pourvu qu’il voulût lui épargner la caresse. Sur ce mode, sévèrement elle condamna Constance. « Nous devons essayer de faire bien, nous ne devons pas nous en faire accroire ; sur le chemin de la vie, nous devons faire pour le mieux. » Elle se remémorait ces maximes puériles en humble empressement. Et sans retard dans ses efforts vers le bien, Mr Whitford lui adressa, aussitôt qu’il l’entendit, un regard à la dérobée. Elle saisit l’occasion de parler du jeune Crossjay à Sir Willoughby à un moment où, descendant de cheval, il se montrait à son avan-