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L’ÉGOÏSTE

homme qui parlait avec une telle froideur de la pauvre dame qu’il avait fascinée. Après tout, peut-être convient-il à des cœurs de femmes d’être exposés au gel, d’être maîtrisés, contraints, retournés sur leurs rêves. Alors sa froideur apparut désirable, elle fortifiait l’idéal. Clara en inférait le délice des séparations opposé à l’ennui de l’intimité. Elle s’efforçait de le voir avec les yeux de Miss Dale. Avec quelque mépris envers elle-même pour son envie d’un leurre, elle le blâmait pour l’inhumaine torpeur de sentiment qui le faisait sacrifier son adoratrice à un besoin de madrigal. Et elle fut en état d’imaginer une distance d’où il était possible de le contempler sans acrimonie, avec bonté, admirativement, comme la lune regarde un joli mortel, par exemple.

Dans ses pensées, elle se surprit à dire : « Il a été difficile de m’apprendre quelque chose. Peut-être si mon intelligence eût été si belle, j’aurais mieux profité. Je ne me souviens pas d’avoir jamais, avec joie, vu approcher l’heure des leçons. »

Elle s’interrompit, se demandant si sa langue la dirigeait, et pour se sauver, elle ajouta : « Voilà pourquoi je me sens bien disposée envers ce pauvre Crossjay. »

Mr Whitford apparemment ne trouva point remarquable qu’elle se fût embarquée dans son babil sur « la belle intelligence », quoique la phrase, élogieuse, fût émise par lui, en sensibilité, pour que son oreille perçût un écho.