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L’ÉGOÏSTE

Miss Middlieton le rebuta, se réjouissant de le voir se tortiller dans la conscience de sa faute. Elle lui demanda quel était le glorieux Valentines Day de nos annales navales ; le nom du héros, et le nom de son navire. À ces questions il répondit aussi promptement que les canons du bon navire Captain ouvrirent le feu sur le quatre-ponts espagnol.

— Et vous devez cela à Mr Whittord ?

— Il m’a acheté les livres où ça se trouve ! grogna le jeune Crossjay. Et cueillant des brins d’herbe il se mit à les mâcher, prévoyant obscurément mais avec certitude quelle allait être la fin de tout ceci.

Miss Middleton se coucha sur l’herbe, disant : « Croyez-vous que vous allez m’aimer, Crossjay ? »

Le gamin clignota des yeux.

Il aurait voulu lui prouver que déjà il l’aimait sans modération. Il lui aurait sauté au cou, si elle s’était seulement redressée, mais son attitude couchée et ses paupières mi-closes lui inspiraient de l’étonnement et de l’émoi. Son jeune cœur battait fort.

— Parce que, mon cher enfant, dit-elle en s’accoudant, vous êtes un très gentil garçon, mais un enfant ingrat, et il n’y a rien à vous dire, ou bien vous prenez la mouche. Venez. Cueillez-moi quelques-unes de ces primevères et de ces véroniques ; je crois que, tous deux, nous aimons les fleurs sauvages.

Elle se leva, prenant son bras.

— Nous irons sur l’étang, vous ramerez, tandis que je vous parlerai sérieusement.