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CHAPITRE VII

Elle ne le blâma point, mais tomba dans sa propre estime ; moins parce qu’elle était la fiancée Clara Middleton, ce qui alors apparaissait aussi palpable que le trait dans le cœur de l’oiseau, que du fait d’être une femme prise, de quoi l’on attend qu’elle soit soumise, alors qu’elle préfèrerait respirer des fleurs. Clara eut honte de son sexe. Les femmes ne peuvent faire un pas sans être matrimoniales ; quel esclavage ! Pour ce qui était d’elle, elle se plaignait que ce fût prématuré et d’une crudité incohérente. De fait, il était difficile d’affirmer qu’elle se plaignait. Elle le critiquait seulement et s’étonnait qu’un homme, soit par mauvais vouloir, discordance ou manque de complaisance, ou bien aveuglément, ne pût distinguer entre le devoir de la femme conjointe et le consentement de la fiancée. Distinction nette, pourtant, comme entre deux sphères.

Elle lui fit justice. Elle admit qu’il eût parlé aimablement. N’eût été pour la réitération « du monde », elle n’aurait rien objecté à son discours, bien que ce fussent des phrases tout à fait appropriées. Il avait le droit de les dire depuis qu’il était entendu qu’elle allait se marier avec lui. Mais n’aurait-il pu attendre un peu pour jouer le rôle de l’amant privilégié ?

Sir Willoughby était ravi. Avec sa pureté, sa froideur statuesque, pareille à Diane, il ne pouvait s’empêcher de lui imposer sa caresse. L’afflux cramoisi qui envahissait alors ses joues, la montrait divinement femme en timidité réfléchie ; en accord avec les plus hautes définitions du type féminin.