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LE CROMWELL DE CARLYLE

Il faut savoir le plus grand gré à M. Edmond Barthélemy de nous avoir enfin donné — et avec quelle maîtrise ! — cette traduction du livre de Thomas Carlyle : Life and letters of Cromwell, qui nous manquait encore et dont le retard finissait vraiment par déshonorer notre littérature. D’abord c’est peut-être le chef-d’œuvre de Carlyle, et puis la figure de Cromwell vaut, tout de même, la peine d’être considérée.

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En parlant de chef-d’œuvre, j’ai ajouté un peut-être que certainement Taine aurait désapprouvé. Pour lui le Cromwell était bien la maîtresse pièce de Carlyle ; rien dans l’œuvre touffue et puissante du grand Écossais ne valait cette reconstitution, à mille touches fiévreuses, du plus rude défaiseur de rois que l’Angleterre ait connu : « Son récit, dit-il, ressemble à celui d’un témoin oculaire. Un covenantaire qui aurait réuni des lettres, des morceaux de journal et qui, jour par jour, y aurait ajouté des réflexions, des interprétations, des notes et des anecdotes, n’aurait point écrit un autre livre. » Je ne dis pas non. Toutefois il semble que French Révolution, en tant que vaste fresque d’histoire, est autrement grandiose que la tenace monographie du gentilhomme rural d’Huntingdon, et que Heroes and hero-worship est susceptible d’éclairer dans les âmes un autrement multicolore brasier que le petit foyer rouge où se recuit un cœur de puritain soldat. Dans ce mer-