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quoi es-tu terrifiant comme le rugissement d’un léopard quand on l’entend de près dans les ténèbres de la nuit ?

— « Fais mon cœur pur, Seigneur, et renouvelle l’esprit droit dans mes entrailles ! »

— Ô mon amant !

— Est-ce toi le satan ?

— Je suis toi-même. Moi et toi nous ne sommes que la même chose. Je veux habiter ton cœur et couler dans ton sang. M’incarner dans tes yeux noirs et y rester pour toujours. Pourquoi m’appelles-tu satan ? Ne suis-je pas belle ?

— Ils sont beaux tes yeux de flammes sur lesquels tu laisses tomber tes paupières. Et tes lèvres qui s’entr’ouvrent ainsi qu’une jeune rose.

Elles sont belles tes mains dont tu as entrelacé les doigts derrière ta tête.

Et tes cheveux longs. Ils coulent ainsi que deux ondes, que des eaux noires, de tes épaules blanches sur ta gorge…

Ton front est plus beau que la lueur de la lune parmi les arbres dans le silence de la nuit. Et tes sourcils noirs…

Ton cou se cache entre tes seins neigeux, tel le ciel de printemps entre deux nuages blancs. Ta robe étincelante, dont tu as ceint tes hanches sème des parfums. Ton sourire, je l’ai vu dans mes songes.

Je t’en conjure par le nom qui ne peut pas être prononcé, laisse-moi…

— L’éclat rouge du feu est tombé sur ton visage. Au-dessus de ton front la forêt vierge des cheveux ondulés resplendit. Tes yeux ont lui. Tu es terrible et froid comme la face d’Anubis, chef des morts. Oh ! si le feu libre pouvait s’allumer en toi et si tu étais devenu, comme moi, ivre de sang bouillonnant ! Lion du désert !… Je veux que tu me saisisses, moi faible, et m’étouffes dans tes bras, où les veines pleines d’un sang épais se tendent !

Je voudrais sentir tes bras autour de ma poitrine, autour de mes côtes, tes bras énormes comme une forêt vierge d’où l’on voit les vagues soyeuses de la mer qui se caressent au-dessus des profondeurs turbulentes. Sur tes lèvres brûlantes comme le charbon attisé, un demi-sourire doux et méchant, terrible et cher aurait fleuri. Tu ne sais pas que la rose entr’ouverte de ma bouche sent bon. Le bonheur serait venu subitement, ainsi