— Tu étais resté derrière moi dans l’espace éloigné tel un nuage charmant, bleu et confus. Je ne ressentais plus de regret. Je me plongeais dans l’ennui langoureux et pâle ; à bout de souffle, je tremblais effrayée en présence des actes inconnus qui sommeillaient au fond de mon sein, conçus au moment où je l’avais vu. Et voici qu’une nuit la voix m’ordonna d’aller vers toi.
— Ô Courageux, Condamné, Cloué à la croix, ô Toi qui étends de l’éternité ta droite vers les esprits sereins, imprime ton sceau à ma poitrine ! Tu es mon unique Seigneur et mon roc !
— J’entends ta voix implorante et je vois ton ombre.
Pourquoi ne t’approches-tu pas de moi et n’étends-tu pas tes mains languissantes ? J’ai froid. Une gelée misérable embrasse mes épaules et serre ma gorge. Le désert est froid pendant la nuit et son vaste souffle respire la glace. Ne m’accueilleras-tu pas dans ta demeure, homme de dieu ?
Jean ouvrit largement la porte et recula lui-même vers le fond de la grotte. De là il entendit le sable sec et fin grincer sous les sandales en cuir et le bruit des robes en soie que le parfum des lys frôles devançait. Sa tête tomba sur sa poitrine et ses mains trouvèrent dans les ténèbres un briquet, une pierre et du bois pourri. Une étincelle jaillit et alluma la mèche de lin plongée dans une cuvette en pierre, pleine de résine. Une grande flamme s’alluma. Se tenant derrière elle les yeux mi-clos, Jean entendit la voix caressante.
— Je veux te voir, te regarder encore une fois. Tu changes au feu comme une coupe de cristal fragile. Laisse-moi prendre et cacher au fond de mon cœur l’éclat de tes prunelles, le feu frappant qui enivre comme le vin de l’île grecque.
Pourquoi tes paupières sont-elles fermées ?…
Alors il leva les yeux. Ses lèvres tremblaient, et un mot paresseux sortit en rampant, comme un serpent dont la tête a été fracassée des pierres :
— Père, viens à mon secours !…
— Pourquoi n’est-ce pas moi que tu appelles de ta voix de caresse ?
Ton regard est tendu vers moi comme la corde d’un arc recourbé. La flèche pointue qui s’en sera envolée me poussera dans la tombe éternelle ! Pourquoi m’épouvantes-tu et pour-