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sous leurs pieds lourds aux sabots durs. Parmi les dos bossus s’élevaient des selles brillantes, et des hommes magnifiques et las y reposaient. À côté des dromadaires des mulets lents se traînaient paresseusement en portant des ballots, et des beaux chevaux, à la peau aussi fine que celle des hommes, marchaient. Le cuivre poli des boucliers miroitait, des tissus longs et blancs pendaient des épaules, et les armes froides, bleuâtres et calmes flamboyaient de pierres précieuses au soleil.

Lorsque la caravane se fut arrêtée pour un moment à l’ombre des palmiers et que les cavaliers se furent élancés vers la source, un autre cortège s’approcha encore. Six nègres géants portaient un palanquin en bambou. Des toiles écarlates en cachaient l’intérieur et une frange d’or traînait par terre avec bruit. Les esclaves s’arrêtèrent un instant. Le voile s’entr’ouvrit lentement et derrière lui des yeux somnolents, noirs, profonds et comme argentés par la lueur de la lune, regardèrent. Ces yeux sur Jean se levèrent…

La nuit bleue couvrit le désert.

Jean ferma la porte lourde de son gîte et se jeta sur sa couche. Comme le premier sommeil avait fermé ses paupières, quelqu’un frappa à la porte. Alors il se leva et poussa la barre en bois.

Un être humain se tenait au seuil de la grotte. Le cœur de l’anachorète tressaillit et le souffle de joie lui coupa la voix. Une illusion ravissante lui fit croire que son père défunt avait levé le couvercle de sa tombe et se tenait debout à la porte. Mais celui qui était venu lui parla d’une voix étrangère, d’une voix qui murmurait délicieusement, ainsi que le bruit d’un ruisseau qui saute sur les cailloux tranchants, parmi les touffes d’herbes cyrénéennes. Les doigts de Jean s’accrochèrent aux parois de la grotte et un vent enflammé souffla à travers sa tête. L’odeur des mots doux et craintifs l’entoura tel le parfum des roses mouillées de la pluie et des jasmins qui se blottissent le jour du printemps aux côtes d’une citerne oubliée.

La voix disait :

— Je suis venue vers toi…

À travers un steppe lointain, à travers les sables desséchés, j’ai couru jour et nuit. Et avec moi le cercle de feu du désert roulait et m’enfermait en lui.

Mais j’allais vers toi… J’ai cru que je te retrouverais, j’y ai