saillirent et son regard plein d’horreur suivait la mouche. Elle volait autour de la petite tête, comme si elle cherchait la place qu’elle voulût blesser. Et brusquement l’épouvante tomba sur les yeux somnolents de l’enfant et perça son visage, comme une flèche de feu.
Dioclès se tenait de loin. Il pressa ses mains jointes sur son cœur et murmura tout bas :
— Éloigne-toi, ô mouche méchante, mouche méchante, annonciatrice terrible. Des troupeaux de monstres te suivent en se cachant dans l’ombre. Tourne vers moi ton dard. Fais que mon cœur se fatigue et s’épuise sous le poids de la douleur. Que mon oreiller après chaque nuit soit mouillé de larmes versées en vain. Que chaque aurore en se levant mette à mes pieds les fers de la tristesse, et que le crépuscule n’ôte pas de mes mains les chaînes d’oppression. Que mon âme plie aux pieds durs de la misère, comme la tige du roseau sous un coup de vent, mais laisse-le, ô mouche méchante, mouche méchante…
Le jour vint.
Dioclès vendit sa maison et les champs que le Kemi noir et béni arrose, les calmes jardins riverains où les orangers et les citronniers fleurissaient, où les lauriers éclatants élargissaient l’ombre et le bouleau immobile de Babylone courbait ses branches jolies au-dessus de l’eau. Il vendit tout pour rien et distribua l’argent par poignées parmi les miséreux sur le quai et aux portes des temples. De toutes ses richesses innombrables, il ne garda qu’un peu de vêtements et quelques mulets. Il fit partout courir le bruit qu’il quittait le pays et se dirigeait vers l’Arabie.
À l’aurore matinale il s’enfuit de la vallée en emportant sur son dos son fils enveloppé d’une toile d’étoupes. Il marcha en sens contraire, du côté où allait le soleil, vers l’Occident, vers le désert lybien. Il marcha longtemps, jusqu’à la contrée où personne ne venait, où le lion solitaire se chauffait au soleil, où l’ombre d’un vautour s’envolait parfois à travers les sables et où le chat-huant ricanait dans la nuit sombre.
Cet endroit était encombré de rochers. Dans leur profondeur, des tanières sèches se cachaient, à moitié comblées de dunes. Jadis, durant les siècles passés, des troupeaux d’Éthiopiens y avaient extrait la pierre et en avaient traîné des blocs énormes,