Ô mon fils !
Je te donnerai la puissance de solitude que n’a pas eue Adam, le premier travailleur. Je te donnerai la puissance la plus profonde : tu ne connaîtras jamais l’amour de la femme. Je mettrai dans tes yeux le regard hautain du prophète qui voit l’éternité et le chemin qui conduit vers le soleil derrière les chaînes des montagnes.
Acquiers le bonheur ! Sois immortel au fond de toi-même, sois immortel, même ici-bas, durant ta vie et que ton corps soit immortel !
Et lorsque les pleurs jaillissaient des yeux de l’enfant, lorsqu’il se plaignait en criant de ses douleurs ou de son ennui, Dioclès arrachait aux cordes du luth une mélodie profonde que ses doigts émus y avaient trouvée pour la première fois. Sous son influence l’enfant s’apaisait. Une curiosité étonnée apparaissait dans ses yeux, et un sourire indescriptible fleurissait sur ses lèvres. Un sourire aux sons de la musique, à ces existences joyeuses de lumière, ou bien mornes et terribles comme l’intérieur d’un cercueil pourri, aux choses sans formes, lumineuses, odorantes et belles dont la vie se révélait avec les sons… Le premier sourire d’un nouveau-venu aux choses les plus suaves que possède cette terre noire…
Parfois, lorsque au milieu de la nuit profonde il était assis, penché au-dessus du berceau, et lorsque les chauves-souris des ombres se cachaient dans les coins devant la lueur des flammes, l’enfant regardait obstinément ces figures noires et mouvantes.
Dioclès se plongeait dans les méditations en cherchant quels étaient les sentiments qui agitaient alors le cœur de son fils. Si pour lui l’homme n’était pas la même chose que l’ombre de son corps… Il désirait suivre chacune de ces impressions, chaque soupir, tel un témoin invisible, et prier de loin, l’âme blessée cruellement, pour qu’ils aillent vers le soleil, ainsi que les nuages qui montent de la terre et des eaux dans l’aurore matinale.
Un autre jour il était assis sur le tapis étendu par terre, pendant que son fils dormait. Une mouche méchante se mit à tournoyer au-dessus de l’enfant. Elle se posait sur son petit front, sur la joue, sur la bouche et sur les paupières closes. Les yeux de l’enfant s’ouvrirent lentement. Ses sourcils tres-