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sans instruction, incapables et obtus, ont amassé des nuages sur le gouvernement bolchéviste et transforment déjà en caricature ce qu’ils avaient de meilleur et de plus digne. Des bouches retentissantes des bas-fonds hurlant sur tous les carrefours des paroles absurdes et vulgaires, et les Bolchéviks idéologues aux yeux bleu clair s’étonnent de ce qui arrive et s’en affligent et se demandent comment il se fait que tout ce qu’il y avait en Russie de gens sans vergogne, tout ce qu’il y avait de plus vil et de plus grossier se soit rangé de leur côté et pourquoi ils ont avec eux si peu d’hommes de valeur.

C’est le même étonnement que manifestait Nicolas Ier en voyant jouer le Revisor de Gogol. Mais Nicolas Ier, dit-on, se rendait tout de même compte de ses fautes. Il aurait dit, le spectacle terminé : « Pour une comédie, c’est une bonne comédie. Tout le monde a pris quelque chose et moi plus que tout le monde. »

On raconte, il est vrai, que Lénine, lui aussi, aurait publiquement déclaré que les Bolchéviks avaient fait une révolution de salauds. Mais est-ce exact ? A-t-il vraiment prononcé de telles paroles ? Je n’ai pu le vérifier. En tous cas se non è vero è ben trovato : toute l’activité de la bureaucratie bolchéviste porte l’empreinte de la vulgarité servile.


VI

Il est certain que, consciemment ou inconsciemment, le gouvernement des paysans et des ouvriers fait tout ce qui dépend de lui pour arriver à exercer la dictature sur le prolétariat. Et d’ailleurs, comme la chose est claire pour tout Européen, il ne peut en être autrement. Je ne sais que trop dans quelle pauvreté vivaient les ouvriers et les paysans russes ; malheureusement, les Bolchéviks idéologues l’ignorent (quant aux crapules qui, en nombre immense, se sont accrochées aux Bolchéviks, elles le savent, elles). La cause de cette misère, il faut la chercher avant tout dans le régime politique de notre pays. Là où il n’y a pas de liberté,